Tentation... {feat. Nymlia}

J'étais tellement plongé dans mes pensées, que j'avais réussi à faire abstraction de celles des autres. Ce fut donc une surprise lorsque je découvris Nymlia avec une jambe posée sur la fenêtre ouverte, le torse à moitié dehors, en entrant dans la salle commune du château, où je me rendais pour regarder la télévision.
Je me raidis dans l'entrée de la salle, affolé, quand soudain ses pensées m'assaillirent comme si j'avais remis le son à une radio. Elle ne s'était pas rendue compte que j'étais entré et tout son esprit était tourné vers le but qu'elle s'était fixé : goûter pour la première fois au sang humain. Je soupirai, elle s'immobilisa.
Elle n'avait jamais eu droit au sang humain, son père - mon père adoptif, en quelque sorte - le lui avait interdit. Et elle ne voulait pas comprendre que c'était autant pour son propre bien que pour le notre.

- Ce n'est pas le bon étage pour apprendre à voler, tu sais? Lui rappelai-je, l'air de rien.

Elle descendit sa jambe, déçue et abattue. Ca me fit de la peine. Je l'aimais beaucoup, moins que Jane mais plus que d'autre. C'était la seule que je considérais vraiment comme une petite soeur. Puis elle se retourna vers moi, ses grands yeux bleu ciel emplis de questions que j'entendais déjà.

Je ris. Le nombre de fois où elle s'est mordue la lèvre en imaginant me lancer cette phrase au visage. Je ne les comptais même plus. J'avais préparé ma réponse depuis longtemps, en attendant qu'elle ose enfin me poser la question. Je me calmai doucement et repris ma respiration.

- Facile, quand tu arrêteras d'être une enfant.

Je filai vers elle afin de fermer la fenêtre.

- Rares sont les personnes qui ont assez d'intérêt pour moi pour que je prenne la peine de déployer autant d'énergie, lui rappelai-je en fronçant également les sourcils. Et ton geste les mettrais tous en péril, en plus de te donner encore plus envie. Il est difficile une fois qu'on goûté au sang humain de devoir se contenter d'animaux... Tu as la chance de ne pas savoir ce que tu manques, ne la gâche pas.

Je lui souris à nouveau.

Oui, je savais qu'elle allait recommencer et que je devrais lui courir après... J'allais me tuer à la tâche.
Oui, je savais que j'étais agaçant et que mon pouvoir en énervait beaucoup. Mais c'était comme ça, je ne le contrôlais pas. Si je le contrôlais, je l'aurais épargnée.
Je lui souris et mon sourire s'agrandit lorsqu'elle me posa sa question qu'elle espérait piège.
Oui, je savais qu'elle pensait à Jane.

- Je ne vois pas de quoi tu parles. Lançai-je innocemment.

Je savais mentir, mais là je ne fis aucun effort pour paraître crédible. Ce qui la renfrogna davantage.
Je n'avais encore rencontré personne qui soit parvenu à me cacher une pensée.

- Tu sais bien que je ne le fais pas exprès. Et je n'essaie pas d'être agaçant, ni de t'enfermer contre ton gré. Si ça ne tenais qu'à moi, je t'emmènerais moi-même chasser l'humain. Mais on a promis. Je t'ai déjà expliquer comme c'était dur quand on connaissait ça. Si tu entendais les pensées de Liam des fois... Tu comprendrais. Ajoutai-je en retrouvant tout mon sérieux.

Elle soupira et s'assit sur un canapé en pensant à Liam. Une obsession, c'était le mot. Comment j'allais tenir les siècles comme ça, moi, entre Liam qui ne se fait pas à ce régime et elle qui veut le quitter... J'avais passé ma vie à ne penser à personne qu'à moi-même, il était évident qu'il allait bien falloir que ça se retourne contre moi un jour.
Elle m'invita à la rejoindre, ce que je fis sans la quitter des yeux. Mais contrairement à ce qu'elle pensait, je ne cherchais pas à lire en elle, mais à lui faire entrer une bonne fois pour toutes dans sa magnifique petite tête ce que je tentai vainement de lui faire comprendre. Je lui souris. Elle savait que je l'entendais. Et ça l'énervait.
Orphée aurait du attendre encore avant de la faire devenir vampire. Moins jeune, elle aurait moins cherchez les ennuis, et m'aurait sûrement causé beaucoup moins de soucis.

_Liam et moi on est différents, la situation est différente. Tu le sais en plus.

Elle éclata de rire et prit un coussin sur ses genoux. Je ne répondit rien. Bien sûr qu'elle était différente de lui. Nous étions tous différents des uns des autres et j'étais le mieux placé pour le savoir.

_Andy, tu te rends bien compte qu'un jour j'arriverais à m'enfuir ? Même si ce n'est pas pour tuer un humain, mais simplement pour enfin participer à cette guerre dont vous me tenez tant éloigné...

Si elle ça l'amusait, moi, pas du tout. S'il y avait bien quelque chose qu'elle n'avait pas intérêt à faire, c'est à se mettre en danger de cette manière.
Je soupirai et me pinçai l'arête du nez avec les deux mains, puis me frottai les yeux pour finalement les glisser sur mon front et me les passer dans les cheveux en signe d'impuissance.

- Tu ne seras contente que quand tu m'auras assassiner, pas vrai? Tu vas causer ma mort, Nynie... Je n'arrêterais pas, surtout avec Orphée qui n'arrête pas de s'inquiéter. Je m'inquiète pour deux, je t'adore pour deux. Déjà, que tu es la seule que je considère comme une véritable petite soeur... Si j'étais encore mortel, tu me donnerais des cheveux blancs, je te le jure. Lui dis-je avec un faible sourire en la regardant sans me redresser cependant.

Elle fronça les sourcils, laissant apparaitre des rides sur son front. Je lui disais que je m'inquiétais pour elle et elle, elle boudait... Cette fois j'écoutais ses pensées. Je n'avais jamais prétendu être un second papa.

_Pas la peine de te dire ce que je pense de ta phrase, tu le sais déjà non ?

Que je n'ai pas besoin d'un second papa.

Elle me sourit, elle savait que je l'avait entendue. Je ne répondais toujours pas. Elle ne lisait pas les pensées, mais ça question souffrait-elle une réponse?

_Tu ne serais pas beau, avec des cheveux blancs. Ajouta-t-elle en me tirant la langue.

J'allais réagir en disant que j'étais sûr du contraire, quand une de ses pensées attira mon attention.
Non, elle n'allait pas oser?!
Elle ouvrit la bouche. Et si! Je n'eus même pas le temps de réfléchir que ma main partit devant sa bouche en geste instinctif. Cette petite avait tenté de me contrôler avec son chant, on aura tout vu!

-Ce n'est pas d'un deuxième papa dont tu as besoin, mais d'une conscience. Et tu te trompes. C'est toi la plus belle. Après Jane, cela va sans dire. Ajoutai-je avec un sourire.

Lorsque j'enlevai ma main, j'eus le droit à un sourire tellement beau qu'elle en aurait fait fondre un ice berg. elle se réjouissait de ce que je pensais de sa beauté. Si elle se vouait aussi objectivement que nous la voyions.

_Tu n'es même pas drôle !

Pour le chant, évidemment...

- Mes années de piraterie et mes siècles de vampirisme m'ont doté d'un incroyable instinct de survie et de conservation. répondis-je, amusé en la voyant serrer le coussin dans ses petit bras.

_Tu ne sais même pas quel effet ça fait ! Me répondit-elle en riant.

Je ris aussi.

- Tu serais surpris des souvenirs que certains gardent de tes prouesses, ma Nynie. Comme si je l'avais vécu.

Bien que n'ayant pas suivi le cours de ses pensées - qui m'annonçaient que je venais de parler dans le vent, pour changer -, la transition entre deux idées ne m'échappa pas. Je retins le soupir que je voulais exhaler en attendant qu'elle pose sa question.

_As tu parlé à Orphée ?

Allons nous retourner dans le monde humain, pour rechercher celui qui me complétera ?

Je grimaçai, incapable de rester impassible devant ce petit visage d'ange aux yeux plein d'espérance.
C'était la seule chose qu'elle était parvenue à obtenir de moi, du moins concernant les questions sensibles. Généralement, je me ranger du côté de Orphée, mais là il s'agissait d'une requête que j'estimai parfaitement honorable. Je lui avais donc promis de plaider sa cause.
Bien qu'elle ait déjà compris, je me sentis obligé de me justifier devant ce regard déçu.

- Il n'a pas dit que ça ne se ferait jamais. Il a juste une notion du temps assez... personnelle. Lui expliquai-je, soucieux à l'idée de faire passer mon père adoptif pour un tortionnaire.

Mais j'aurais pu tout aussi bien parler à un mur. Si elle avait écouté, ça ne l'empêchait pas de se répandre en imprécations à l'encontre de celui qui l'avait créée. Dans sa tête bien sûr. Elle n'aurait jamais osé lui dire en face.
Je fronçai les sourcils. Je n'aimais pas du tout ce qu'elle pensait.

Je l'écoutais ressasser des pensées qu'elle avait à longueur de temps. Je la comprenais dans un sens, il n'y avait rien de pire que l'enfermement. J'en savais quelque chose, moi qui aspirait à reprendre la mer quasi-quotidiennement.

_Alors je resterais seule... Jusqu'a la nuit des temps...

Elle soupira. Ca me faisait de la peine de l'entendre penser ce genre de chose. Une idée saugrenue et de très mauvais goût me vint à l'esprit. Je m'en voulus aussitôt de penser à ça. Je n'avais pas le droit. Orphée était catégorique et m'avait fait promettre. Les pirates, trichaient, mentaient, volaient, mais nous respections toujours notre parole. Nous avions un code d'honneur. Je secouais la tête. Mieux valait que Nymlia ne sache pas que j'avais douté.
J'avais promis de tout faire pour l'empêcher d'aller dans le monde des humains et de faire de mon mieux pour qu'elle ne fasse pas de bêtises. Je devais rester fort, même quand ce petit visage d'ange affichait cet air désespéré et boudeur.

- Ma belle, tu n'es pas seule. Et il a décidé ça pour ton bien. Au fond de toi, tu sais qu'il ne veut que ton bonheur. Tu le trouveras ton élu. Je te le promets. Et tu sais que je tiens toujours mes promesses.Lui dis-je en prenant ses épaules pour qu'elle me regarde droit dans les yeux.

Comme de bien entendu, ma promesse passe par une oreille et ressors par l'autre.
Bande de cons? Je fronce les sourcils, piqué au vif par cette insulte. Cette gamine n'était visiblement pas bloqué dans l'âge ingrat que physiquement, apparemment. Elle comprend vite son erreur. Avec elle, je pouvais etre très patient, mais elle savait que ma patience avait des limites. Il ne valait mieux pas qu'elle me pousse dans mes derniers retranchements.

Bon d'accord, vous êtes simplement une bande d'idiots.
Tu préfères ?

Je secoue la tete, dépité. Autant parler à un mur avec elle. le mot "capricieuse" se fit un chemin dans ma tête avant de mourir au bord de mes lèvres. Non j'exagérais, ce n'était pas des caprices, au fond, je voyais bien que ses revendications avaient un sens, mais tout de même, elle pouvait essayer de nous comprendre un peu, aussi. Etait-ce trop demandé?

J'ai faim.

Elle me sourit, pensant que les biches souffriraient de nombreuses pertes. Pour ça, elle était bien ma soeur.

Tu m'accompagneras, ou tu restera avec ta belle ?

Je réfléchis longuement. Je n'avais plus envie de sortir aujourd'hui. Cependant, elle n'avait pas le droit de chasser sans surveillance. Je décidai d'un compromis.

- Aby' t'accompagneras. Répondis-je. Et pitié, contrôle un peu tes pensées, tes révoltes d'ado rebelle me donnent des migraines. Ajoutai-je avec un sourire tandis qu'elle quittait la pièce.

Elle se retourna, me tira la langue et sortit.