Rencontre de nuit[Pv Andréas Spellain]

Je n'allais jamais dans la ville. D'habitude, j'évitais le monde des humains le plus possible. Mais il était tard, j'étais rassasié et je n'avais rien à faire. Ma douce et tendre chassait, et n'avait pas voulu que je l'accompagne. Elle savait que je n'aimais pas les sangliers et ne voulait pas m'infliger ça. Elle savait aussi que j'étais prêt à tout endurer pour elle, mais ça, apparemment, ça ne comptait pas.
Toujours est-il que sur un coup de tête, je décidai de me rendre en ville, bien décidé à vaincre le mal par le mal. J'avais envie de sang humain? Et bien j'allais me rendre capable de passer un moment chez eux sans en boire.
C'est une expérience que je devais affronter seul. Me rendre en ville avec quelqu'un aurait été pur suicide. Il ne manquait plus que j'ai deux fois envie de sang humain, tiens.
Cependant, je me lassai vite de ce petit tour. Les pensées des mortels étaient toujours aussi insipides et les souvenirs qu'elles faisaient remonter à ma mémoire, insupportables. Ces humains se croyait vraiment au dessus de tout. Si je pouvais leur montrer qu'ils n'étaient rien, juste une fois...
Non, je me devais d'être sage. Je me le devais à moi-même, plus encore qu'à Jane ou Orphée.
Je me rendis donc au cimetière. A cette heure-ci, j'étais sûr de ne rencontrer personne. Les mortels étaient d'une stupidité : comme si le danger pouvait se trouver là-bas. Temps que j'étais dans les rues, c'était peut-être là-bas qu'ils auraient été le plus en sûreté.
Comme je le pensais le cimetière était vide de toutes pensées. Il était rare qu'un tel calme m'envahisse. C'était tellement reposant. Au château, quelque soit la pièce où je me trouvais, il y avait toujours quelqu'un pour penser quelque chose. Et je me promenais rarement seul dans la forêt. J'étais toujours accompagné quand j'allais chassé. Je trouvais cela plus drôle. En particulier lorsque c'était avec Sidonie.
Soudain, le calme fut rompu. Quelqu'un était là, non loin de moi, en train de déplorer le fait qu'elle n'avait personne à pleurer. Sombre idiote. La moitié des gens tuerait pour ne pas avoir à souffrir de la perte d'un être cher. Je me rapprochais d'elle. C'était une fille, assise sur un banc.
Je réprimai un grognement.. Qu'est ce qu'une Yswan pouvait bien faire ici?
Soudain, je ressentis une joie irraisonnée. J'allais enfin pouvoir assouvir ma vengeance. Fille ou garçon, je m'en moquais, j'avais toujours fait fi de ce genre de considération. Cette immortelle avait eu le mauvais goût de se retrouver sur mon chemin et de rompre la tranquillité que j'avais trouvé ici. Et elle avait surtout eu le mauvais goût d'être une immortelle. Chasseur, chassé, je me moquais de savoir qui devait être la proie. Ce soir, ce serait elle.
Je reconnus alors l'ange avec laquelle Sid' s'était retrouvée à "jouer" récemment. Elle y repensait en rentrant au château.
Cette Yswan attirait les ennuis, apparemment. Grand bien lui fasse, qu'elle en meure, si possible.

- Tu t'es perdue, petite Yswan? Demandai-je d'un air menaçant.

Je souris, elle était si facile à lire. Elle se demandait qu'elle était mon pouvoir. J'étais déçu de ne pas avoir marqué sa mémoire plus que cela.
Je m'approchai d'elle. Elle se leva de son banc, sur la défensice. Tu as raison d'avoir peur, je ne suis pas un enfant de coeur. Bien au contraire.

- Tu me reproches donc mon manque d'originalité, petite Yswan? Sifflai-je en retrouvant mon air menaçant et en refaisant un pas vers elle.

Elle ne recula pas. Grave erreur. Je n'en avais rien à faire de ses raisons. Le fait était que maintenant, elle était face à moi, dans ce cimetière désert et que j'étais d'humeur à voir quelqu'un souffrir. Même si je ne pouvais lui faire mal, j'élaborai plusieurs stratégie visant à ce qu'elle ne m'oublie pas cette fois.
Elle voulais que je la laisse tranquille? Plutôt mourir. Sauf que je ne le pouvais pas, mourir.

- Tu veux peut-être rejoindre ces gens que tu ne peux pleurer? Chuchotai-je en me plaçant derrière elle sans qu'elle ne s'en rende compte. Ce serait si facile, murmurai-je à son oreille, dangereusement près de sa gorge alors qu'elle comprenait où je me trouvais.

Je ne pourrais malheureusement que l'enterrer vivante, mais c'était toujours mieux que rien.
Elle avança d'un pas, se retournant vivement. Je ris d'un rire mauvais, ce rire qui m'avait tant manqué.
Comment savais-je que tu ne savais qui pleure? Réfléchis petite Yswan, réfléchis.

Je réduisais l'espace qui nous séparait, la dominant de toute ma taille. Elle voulait partir, et je m'y refusais. Sa terreur m'exaltait, j'étais littéralement au anges.

- Tu ne tiens pas réellement à le savoir. sussurai-je, la transperçant de mon regard perçant.

Bien sûr que non, la seule chose qu'elle voulait, c'était partir en courant et m'oublier. Mais, moi, je ne voulais pas qu'elle m'oublie de sitôt.
Je retroussais les dents d'un air menaçant avec un feulement bestial.

- Veux-tu bien me montrer de quoi tu est capable, petite Yswan? Demandai-je.

Je ne ferais pas durer la confrontation. Elle n'avait pas d'eau à manipuler, ce ne serait pas drôle. Les femmes faibles n'étaient intéressantes que temps qu'elles étaient effrayées.

Même pas drôle. Elle était terrorisée avant même que je n'ai fait quoi que ce fût. Elle ne me servait à rien. Je soupirai.

- Et alors, tu ne sais rien faire sans ton pouvoir? Demandai-je d'un air barbé.

Petite gamine pleurnicheuse sans intérêt. Tu mériterais que j'exécute ma précédente menace de ce pas. Après tout, ça serait intéressant de faire souffrir le petit ange des Yswan. Son précieux Dawson viendrait surement la défendre et là, ça deviendrait sympathique.
Mais j'abandonnais l'idée. Combien de temps mettrait Médor pour retrouver sa dulcinée? Trop longtemps à mon goût. D'ici qu'il se rende compte qu'elle avait disparue, je me serais déjà lassé de ce jeu. Quoique, depuis quand embêter les Yswan me lassais?
Je lui souris.

- Ne me dis pas que tu ne veux pas jouer? Lançai-je d'un air sadique.